Le Pôle emploi du football

Le Pôle emploi du football

Je reçois de plus en plus d'appels directs des clubs professionnels qui peinent à trouver les profils recherchés

Un jeune éducateur de France voisine cartonne avec une plateforme qui centralise les offres et demandes d’emploi dans le football amateur. Au contraire de son voisin suisse, celui-ci croule sous les subventions fédérales depuis le titre mondial des Bleus en 1998.

Aksel Baran Fernandez, 24 ans, a deux terrains de jeu. Le premier est un stade de football plutôt coquet situé à Marignier, non loin de Bonneville (Haute-Savoie). Deux pelouses, un vestiaire très fonctionnel, 550 licenciées, une équipe première en Départementale 1, l'équivalent d'une deuxième ligue. Aksel y exerce la profession d'éducateur sportif et d’entraîneur : 37 heures par semaine et un salaire correct. Le second «spot» est son ordinateur. En mai 2020, en pleine vague de covid, il a créé la start-up Emploi Foot via le réseau social Facebook. Une plateforme qui centralise les offres et demandes d'emploi dans le milieu du football. «A cette époque, je cherchais un nouveau club, et accéder aux annonces pour les métiers du football était très compliqué. Vous tapiez «foot» et «travail» sur un moteur de recherche et vous n'obteniez rien. Il fallait donc cliquer, au hasard, sur les sites des clubs», explique-t-il.

Les clubs pros intéressés 

Confiné comme tout le monde, Aksel Baran Fernandez décide alors de créer 13 groupes Facebook, soit un par ligue régionale française. Il a communiqué aussi via LinkedIn, TikTok, Instagram, etc. En tout 18 plateformes sur lesquelles très vite sont postées en moyenne six offres d'emploi par jour. Depuis 2020, 5000 offres d'emploi au total ont été postées sur la page Emploi Foot et 20 600 personnes sont actives sur ces réseaux.

Qu'on ne se méprenne pas : les clubs professionnels ne vont pas y faire leur mercato. A 70%, les annonces ciblent des postes tels que comptables, jardinier(ère)s, informaticien(ne)s, chargé(es) de communication, éducateur(trice)s, personnels d'entretien... Exemple : ce club amateur breton qui cherche un éducateur spécialisé salarié à plein temps et payé de 1600 à 2000 euros selon l'expérience. Ce club limousin aussi qui propose des stages à de jeunes joueurs. Mais des offres de clubs professionnels sont aussi diffusées. Le SCO d'Angers et l'ESTAC Troyes (Ligue 1) recherchent respectivement un community manager et un agent d'accueil. Jusqu'à la Ligue nationale de football en quête d'un(e) juriste financier(ère). 


« Je reçois de plus en plus d'appels directs des clubs professionnels qui peinent à trouver les profils recherchés» 

« Je reçois de plus en plus d'appels directs des clubs professionnels qui peinent à trouver les profils recherchés », indique Aksel. Philippe Lafon, le directeur général de l'Union nationale des footballeurs professionnels, salue l'initiative du jeune Savoyard : « Une bonne idée sachant que depuis environ dix ans le football amateur français s'est vraiment structuré. Des clubs de National 3, la cinquième division, vont loin en Coupe de France, à l'image des Haut-Savoyards de Rumilly qui ont atteint en 2021 les demi-finales. » Les contrats fédéraux (un nombre limité de contrats de travail autorisé dans les clubs semi-professionnels) ont permis cela, estime Philippe Lafon. « Les joueurs qui la journée ont une activité professionnelle peuvent réduire leurs temps de travail et consacrer davantage de temps à s'entraîner. » Lorenzo Falbo, agent de joueur parmi les plus influents de Suisse, envie presque ce football français « où même les petits clubs peuvent salarier une personne et recruter un analyste vidéo ». « Chez nous, un site comme Emploi Foot n'aurait aucune utilité car les clubs amateurs fonctionnent essentiellement grâce au bénévolat. Un club comme Etoile Carouge, qui évolue tout de même en Promotion League, ne salarie que deux personnes, explique-t-il. Nous vivons dans un autre monde si l'on regarde comment s'organise le football français, ce qui par ailleurs ne nous empêche pas d'avoir une équipe nationale très compétitive. » Le décalage est en effet énorme. Marignier, à titre d'exemple, salarie, outre Aksel Baran Fernandez, deux jeunes apprentis éducateurs sportifs. Lorsqu'en Suisse il faut faire appel à des financements privés, la France arrose les petits clubs à coups de subventions. « La Ligue, le département, les communes financent le football amateur mais on peut également miser sur le sponsoring, le partenariat et l’événementiel », résume Aksel.

45 clubs professionnels en France, 19 en Suisse.

Gilles Posternak, le vice-président de l'U2C2F, association qui défend les intérêts du football amateur en France, précise : « La victoire de la France en 1998 lors de la Coupe du monde a été l'élément déclencheur. La Fédération a dû redistribuer l'argent, notamment en direction du monde amateur, qui est le vivier de ce sport avec ses écoles de football. » La fédération française revendique deux millions de licenciés, femmes et hommes confondus, qui évoluent dans 15 000 clubs, dont 45 sont professionnels. « Une plateforme qui regroupe offres et demandes d'emploi est une bonne chose car le marché a explosé. Mais cela implique pour nous davantage de vigilance par rapport au respect du droit du travail », indique Gilles Posternak. En Haute-Savoie, vingt éducateurs sportifs sont diplômés chaque année, titulaires d'un brevet d'État. La plupart trouveront un emploi. L'objectif d'Aksel Baran Fernandez est désormais l'ouverture d'un site internet performant élargi à tout l'espace francophone, puis de dégager un revenu par la diffusion de publicités.

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